vendredi 17 mars 2006

GRYFFONDOR & SERDAIGLE

La plupart des gens ne réalisent pas. J'ai tellement l'air d'une intellectuelle, curieuse de tout savoir, champion de l'accomplissement académique, consacrée aux arts de l'esprit: ils ne réalisent pas. Seuls les plus proches voient cela.
Que je ne suis pas une Serdaigle, mais une Gryffondor. Que ma part Serdaigle est toute de surface, et qu'au fond, au coeur, là où cela compte, je suis viscéralement Gryffondor.
Hier, je l'ai été.
Parce qu'en moi la part qui compte et pense et pèse, et suit les fils de la raison, savait que cette décision était mauvaise, mauvaise à tous points de vue, personnels et collectifs. Je savais, et sais toujours, que c'est la faille des grèves d'enseignants, qui ne gênent personne puisque leur étendue est limitée par notre propre conscience professionnelle. Je savais et sais toujours que se déclarer gréviste et faire cours néanmoins était le comble de la bêtise, tout bénéfice pour l'Etat: aucune gêne occasionnée et une journée de salaire économisé. Oui, oui, j'ai défendu cette position vis à vis de mes collègues: venir travailler et se déclarer gréviste, c'est pervertir le système même de la grève.
Je le savais, et le sais toujours.
Et cependant j'ai fait cela: travailler et me déclarer gréviste.
Parce que je ne pouvais perdre cette journée, cours, visite de stagiaire, conseils de classe.
Et surtout parce que depuis des semaines je soutenais mon padawan et les autres étudiants dans leurs prises de position, et qu'en ne faisant pas cette grève je me serais sentie lâche et hypocrite, courageuse en paroles seulement et refusant de payer le prix de mon engagement. Le prix qu'eux payent, d'autre façon.
Alors je l'ai fait, en sachant l'absurdité.
Je suis Gryffondor: de ce peuple imbécile qui choisit le panache et les exigences de sa propre dignité plutôt que l'intelligence et même l'intérêt collectif.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Etonnant ce parallèle que tu fais, mais l'ensemble est plutôt juste, un peu amer peut-être mais juste...

Anonyme a dit…

Et moi, qui suis Serpentard, je m'afflige de la perte des ouvrages inestimables consumés en Sorbonne par une bande d'excités inconséquents, je ne comprends pas les agressions subies par les agences d'intérim ni la prise d'otage que subissent ceux des étudiants qui veulent continuer à travailler et suivre leurs cours. Je m'indigne de cette minorité qui veut imposer sa loi au détriment des votes démocratiques effectués au sein même de la population estudiantine. Je m'insurge contre ces jeunes apprentis qui vont se joindre aux manifestants et aux casseurs sans même comprendre de quoi il en retourne, juste parce qu'un de leur profs leur a dit de le faire. Le CPE n'est pas pire que le CES (il serait même plus aventageux, pour ce que j'en ai vu), et pourtant le CES n'a pas déchaîné un tel déploiement de violence imbécile et aveugle, quand la gauche l'a mis en place.
Cependant, je respecte le droit de grève, même si cela implique pour moi de conserver mes enfants à la maison et donc de ne pas pouvoir travailler pendant toute une journée. Et je reconnais que l'avenir de nos jeunes est en péril, et qu'il faudrait faire quelque chose.
Mais actuellement, la voie suivie par les manifestants est celle des Mangemorts, cela ne peut qu'horrifier.
Et je suis fière de démontrer aujourd'hui que tous les Serpentards ne sont pas des Mangemorts en puissance ;op

Alba a dit…

Etonnamment (peut-être pas), nombre de mes amis les plus proches sont des Serpentards (et heureusement pas des Mangemorts en puissance). C'est même avec les Serpentards que je suis le plus... compatible, en général.
Je ne réponds pas plus précisément aux remarques sur les manifs et en laisse à mon padawan la primeur... à lui de faire preuve de sagesse. :p

Anonyme a dit…

Poudlard ne s'est pas construite sur une seule idéologie mais sur quatre alors pourquoi ferait-on la bêtise de ne penser qu'il n'y a que de gentils manifestants dans notre mouvement?

---Il y a les gentils manifestants, les calmes, ceux qui veulent défiler pour crier leur mécontentement et occuper des lieux symbôliques auquel le gouvernement leur refuse l'accés comme la Sorbonne ou le salon de l'étudiant (comme tenté hier). Ils construisent la barricade pour montrer à la rue qu'ils sont là, existent et forment un mur.

---Il y a les "méchants" manifestants, les énervés, ceux qui en ont marre de se faire gazer, ceux qui refusent d'être retenus par des barricades policiéres, ceux qui refusent d'être sans armes face aux boucliers policiers et leur envoient des pavés.

---Il y a les "casseurs". Casseur n'est pas le bon mot. Ce sont les "méchants manifestants" qui devraient être appelés des casseurs. Les vrais casseurs cassent voitures et macdonalds mais ne tapent pas sur leurs camarades. Les "casseurs" ce sont ces jeunes qui viennent, foutent le bordel, volent portables et appareils photos, font d'un mouvement pacifiste un mouvement violent avant même que la police n'y aît mis son grain de poivre.

---Il y a les nostalgiques. Les punks de 68 ou les punks tout court. Ils savent pas de quoi ça parle mais pour eux qui se déclarent politisés et engagés, il faut descendre et se battre parceque se battre conte le gouvernement, c'est casser la droite. Ils ne savent pas de quoi ça parle ils savent juste qu'il faut se battre contre le gouvernement qui, de toutes façons, est incapable de produire quoi que ce soit de bien. Généralement ils sont très amis avec les "méchants" manifestants qu'ils aident à démonter vitrines et autres...


Et face à toute cette masse à peu près bien unie, qui ne partage pas forcément le même but ou la même idée mais oeure dans le même sens et qui s'entend en général bien malgrè que certains s'engeulent,...
Il y a des mangemorts...

Non, les CRS ne sont pas les mangemorts... Les mangemorts, ils portent des casques de moto, ils ont des barres à mine, ils viennent à 100 et restent bien groupés pour être sur que personne osera s'attaquer à eux. Ils crient haut et fort qu'il faut virer un certain groupe de personnes de "nos" écoles. groupe pourtant bien majoritaire face à eux...

Rien n'est plus beau alors que de voir ces mangemorts se faire assomer par les Aurors et étaler leur sang pur sur la chaussée parisienne...

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J'approuve ton idée de faire cours mais te déclarer gréviste. Quand l'Etat reçoit son compte-rendu, il voit quels profs sont en grève mais je doute qu'il sache si les profs ont effectivement fait cours ou non. Certains ont besoin de ces cours et il utile de les leur donner aussi je te félicite pour ta position :)

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Après choix (et réfléxion sur l'héroisme dont parlait Céline), j'ai décidé d'être un héros. Un héros oui, mais pas celui qu'elle voyait en moi...

Je veux être ce héros qui portera un mec qui s'étouffe sur 30m alors que nous sommes en train de nous faire gazer, qui s'interposera entre un emmerdeur et un emmerdé et se prendra un pain par l'emmerdeur pour cela, celui qui devancera les fachos pour prévenir les gens de s'écarter d'eux, celui qui grimpera sur un abribus afin de constater de ses yeux le combat entre étudiants encerclés et CRS, celui qui suivra les GMs lancés à la poursuite des fachos afin de voir clairement ce qu'il adviendra des fachos en liberté, celui qui proposera spontanément à une journaliste de BBC Radio une interview sur le CPE et les raisons des émeutes journaliéres...

Je veux être un héros qui suit son jugement jusqu'au bout et s'informe au mieux afin d'aider les gens le plus possible quitte à s'en prendre dans la gueule aussi. Ca me permet d'entrer à Gryffondor?

Alba a dit…

Tu as toujours été un Gryffondor, mon padawan.
Mais cette Répartition n'est en rien un gage de qualité, et moins encore un rempart contre la connerie.
Tu as toujours été un Gryffondor.
Tu prouves que tu es aussi un homme.
"Continue sur cette voie" écrit-on bien souvent sur les bullrtins scolaires.
Continue sur cette voie, toi aussi, car cette Répartition-là se conquiert chaque jour à la pointe de la volonté, avec le garde-fou de la conscience.
T'ai-je dit que j'étais fière de toi ?

Anonyme a dit…

Pour moi, cette Répartition est un Mérite. L'idée que je me fais de l'appartenance à Gryffondor est un Honneur.

J'ai lu ce matin, "Être Français, ça s'hérite ou ça se mérite" (c'était sur le blog du FNJ), je pense plutôt que l'appartenance à un groupe quel qu'il soit doit se mériter plus que s'hériter. Pour reprendre l'un des exemples du blog du FNJ, on ne mérite pas d'être Français quand on est un imâm et qu'on prône l'infériorité de la femme mais on ne devrait pas non plus mériter d'être Français quand on a un prénom à particule et qu'on bat sa femme.

Pour la même raison, chaque jour je dois renforcer une attitude qui fera de moi quelqu'un que je pourrais regarder dans le miroir sans en avoir honte, chaque jour je dois agir dans le respect de MES idées et chaque jour je dois être membre de cette communauté que j'admire assez pour vouloir en être membre...

Bizarre que le choixpeau n'aît jamais décidé de changer un élève de maison en cours d'année non?

Evite de trop me faire de compliments ou je vais finir par devenir mou et me "reposer sur mes acquis"... Ca me rappele une certaine rencontre parents-profs ça xD

Anonyme a dit…

(You have never been a Ravenclaw, my dear... )

Voyage dans le temps. Quelques vies auparavant. Onze ans se rembobinent.

1995. Université d'Aix-en-Provence.
Un tirage au sort. C'est le moyen trouvé par le département d'histoire pour pouvoir attribuer les places aux cours de l'année qui commence aux étudiants, trop nombreux. En voulant comprendre comment des étudiants sérieux peuvent vouloir empêcher les cours, je me suis retrouvée parmi les fondateurs du journal de la grève, petite cellule de six personnes qui rédigeait, imprimait (un seul d'entre nous avait alors un ordinateur), distribuait le "On Strike". L'intention ? informer les étudiants de tous les départements des avancées de la grève, débutée par solidarité avec les étudiants en histoire, alimentée par les découvertes dans la trésorerie de l'université: factures gonflées, subventions accordées deux années auparavant mais non utilisées comme prévu pour la rénovation des bâtiments...
Comme aujourd'hui, le mouvement s'est rapidement étendu à travers le pays. En même temps, dans d'autres pays, les étudiants se soulevaient aussi. Les prétextes, bien sûr, n'étaient pas les mêmes. Les raisons profondes, oui.

Il y a quelque chose de pourri au royaume... Onze ans après, les conditions dans lesquelles la jeunesse, ce vivier d'idées et d'énergie, est tenue ne sont pas meilleures. Les manifestations sont -elles seulement contre le CPE? ou le CPE n'est-il que le symptôme d'une gangrène plus profonde qui ronge notre temps, où l'on ne sait ni tenir compte de l'expérience de la vieillesse, ni proposer de perspective à la jeunesse? Comment donc tolérons-nous que les jeunes étudient dans les mêmes locaux vétustes que nous, onze ans passent et rien ne change, si ce n'est l'usure qui s'aggrave? Onze ans passent, et après le "SMIC Jeunes", le CPE? Des décennies passent, et la jeunesse est toujours battue pour oser s'exprimer? Les matraques contre les idées ou la révolte m'ont toujours donné froid dans le dos. Les étudiants qui lèvent le poing, de l'espoir.

Ma Breda, I am proud of you and of your padawan ;) .

Alba a dit…

Shaya said : "(You have never been a Ravenclaw, my dear... )" : je le sais bien, et je sais que tu le sais... tu fais partie de ceux qui me connaissent assez bien pour ça.

To my padawan : tu vois ? tout le monde est fier de toi :p

Anonyme a dit…

Oh my gosh...
Adults talking to me like I were one of them sure gives a scary feeling O,o But yeah, I'm an adulte too now and this feeling is giving me better vibes...

(Je continue d'entrainer mon anglais pour que les compliments faits par les deux demoiselles (oui c'étaient des filles c'est pour ça que je les ai abordées >.>) de la BBC Radio ne soient pas vains)

Les années passent, les ados passent, les revendications passent mais la révolte passe... Par moments je ne peux m'empêcher de penser "Et si j'étais né en 88? Et si cette année j'étais encore à Marseille devant ma télé comme l'ado en "floraison" (rien de sexuel ici) que j'étais l'an dernier au lieu d'être le revendicateur qui marche aujourd'hui de manif' en manif' avec des lunettes de plongée autour du cou et un citron dans la poche en cas d'attaque à la lacrymo". Cette année, je suis l'homme qui se tiendra aux côtès des CRS et grimpera sur un abribus pour constater l'étendue de la lutte étudiants-CRS... Je suis cet homme qui veut connaître les évènements qui se déroulent autour de lui afin d'affiner son jugement, qui passe son temps sur Indymédia et Wikipédia en prenant le plus d'infos possibles pour s'étouffer de culture générale, qui traine sur le blog du FNJ ou du RED pour montrer qu'on peut être contre le mariage homosexuel sans être homophobe. Je suis cet homme qui trouve qu'aujourd'hui, la France est pourrie. Mais j'irais pas accuser la gauche ou la droite. Il n'y a pas de solution miracle sinon nous l'aurions déjà utilisé. Il nous faut tatônner pour chercher à chaque fois un meilleur moyen de s'en sortir. C'est ça mon apolitisme: ne pas s'enfermer dans une doctrine salvatrice et prendre les meilleures idées de chacun...
Ni anarcho, ni communo, ni socialo, ni facho...
Juste Arnaud...

On lève un poing d'espoir, de révolte, de refus d'autorité, de refus d'obéissance à une autorité que NOUS avons élue mais qui ne comprend pas qu'elle est à NOTRE service. Nous levons le poing car nous avons compris qu'on fera bouger plus de monde le poing levé que l'échine courbée...

Sous les pavés la plage, sous la matraque les lycéens et sous les casques du vide...

Il n'y a plus rien à attendre d'un gouvernement qui profite de la nuit pour déloger par la Force les occupants d'une université...

Dear Shaya, no need to praise me that much, it's all thanks to my teachers (especially one we both know ;) ) and my parents that I became the man I am today :)

Thank you very much