dimanche 31 août 2014

Bonheur

Demain, je retourne travailler. Bien sûr, j'ai travaillé aussi ces derniers mois, à la maison, chaque fois que je le pouvais, chaque fois que les enfants dormaient (pour Beau-Dodu: peu) ou qu'une grand-mère les emmenait en promenade.
Mais demain, c'est la rentrée, la vraie, avec des élèves, des cours à assurer, des copies à corriger, un emploi du temps.
Je n'en suis pas triste.
De même que ces mois de congé parental n'ont pas été de tout repos, comme chaque jeune parent le sait.
Pourtant, étrangement, ce furent des mois de grand bonheur.

Ne vous scandalisez pas que ce soit étrange.
Si on m'avait demandé ce qu'était le bonheur, il y a quelques années, ce n'est sûrement pas ce que j'aurais décrit. J'aurais parlé de lectures et d'écriture, de créations en tous genres, de voyages, de passion, de jeux.
Et sûrement pas de couches à changer, de réveils à des heures indécentes, de discussions avec d'autres mamans à la sortie de l'école, ni des hurlements du Petit Magicien à la moindre écorchure.

Ne dites pas : "mais tout change quand on devient parent."
Après la naissance du Petit Magicien, j'avais pris les mêmes six mois de congé, que je ne regrette pas, mais je m'étais sentie débordée plus qu'heureuse.
Cette fois... Je ne sais pas. Beau-Dodu n'est pas un bébé plus "facile", surtout en ce moment, et l'harmonie entre eux n'est pas, hum, idéale.
("Mamaaaaan ! — Qu'est-ce qu'il y a mon chéri ? — Il se déplace ! — C'est bien, chéri, laisse le faire tant qu'il ne pleure pas. — Mais il touche mon pouf ! Je veux pas qu'il le touche !")

Vraiment, je ne sais pas.
Je sais que chaque semaine et presque chaque jour je me suis émerveillée de ce bonheur. De ce temps passé avec eux. Des petits corps chauds blottis contre moi.
Pas l'absence de rythme et sûrement pas l'absence de contrainte, je ne connais rien de plus rythmé ni de plus contraignant que la vie avec des jeunes enfants, mais un rythme différent. Ne pas me poser de question si certains jours étaient difficiles, si je ne pouvais rien faire d'autre que m'occuper d'eux. Non que cela rende ces moments moins difficiles, mais du moins je n'avais pas à m'inquiéter du reste, des cours non préparés, des copies non corrigées, des mails-boulot auxquels répondre.
Pas non plus l'absence d'engagement ni le retrait hors du monde. Au contraire. L'articulation entre le très-vaste de la planète et le très-intime de la famille, comme une respiration.
Mais l'absence d'invasion extérieure, peut-être. Un bonheur de minuscule démiurge dans un royaume très agité mais très aimé.

Ce bonheur, je l'ai ressenti surtout dans les trajets en poussette pour aller chercher le Petit Magicien à l'école, l'aller seule avec le bébé, à me repaître du paysage, du calme, de la paix en moi, de la paix de notre région, de ma chance.
De la simplicité du bonheur. De son évidence. De cet état de grâce très différent de celui de l'amour-amoureux.

Je ne sais toujours pas.
Je ne sais pas non plus ce que seront les semaines et mois à venir.
Mais je sais que pour la première fois, j'ai rêvé que ces mois durent toujours, que je les revive encore et encore.
Et jamais, jamais, je n'aurais cru que mon bonheur ait ces couleurs.

(encore un cross-post avec la Maman des Magiciens, puisque.)